Visite des fouilles archéologiques de Bondy
Un siècle sépare la première découverte connue de sarcophages à l’est de l’église des fouilles réalisées cette année.
En 1910 et 1933, le passé médiéval surgit à l’occasion de travaux et c’est lors de l’exhumation fortuite de sarcophages en 1964 qu’il fut pour la première fois identifié avec certitude. Avant la reconstruction du quartier, un diagnostic fut donc réalisé pendant l’été 2004, dans le cadre des démarches d’archéologie préventive, espérant révéler d’autres traces de « nos » ancêtres. Espoir comblé par les découvertes de 2005/2006, 2007 et celles de cette année.
De l’habitat du 1er millénaire à Bondy Habitat
L’emplacement fouillé cette année sera occupé par les logements construits par Bondy Habitat. Le week-end « portes ouvertes » du site a rassemblé un millier de visiteurs et notre association a bénéficié d’une visite exceptionnelle mercredi 25 mai. Nous avons été reçus par Cyrille Le Forestier, archéologue responsable du chantier réalisé par le bureau de l’archéologie de notre département et l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives.
L’anthropologie ou l’étude des restes humainsPlus que des paroles, le plan ci-joint résume les découvertes déjà avérées au moment de notre visite. Environ 1300 ans d’histoire apparaissent par bribes sous nos yeux. Les nécropoles, plus visibles que les traces d’habitat, se sont au fil du temps succédées. Les époques gallo-romaine, mérovingienne puis carolingienne sont jusqu’ici représentées par près de 500 sépultures, dont certaines abritant plusieurs squelettes. Des fosses dites de catastrophe ont aussi été repérées, recueillant plusieurs défunts décédés en même temps, lors d’épidémies par exemple. Puis, s’accolant, se superposant et s’imbriquant dans les nécropoles des différentes époques, l’habitat est révélé par les traces qu’il a laissé dans le sol. Si la présence gallo-romaine est attestée, c’est surtout le village médiéval de l’époque carolingienne qui semble particulièrement intéressant. Cyrille Le Forestier recense 12 fossés, plus de 120 trous de poteaux, 10 foyers ou fours domestiques, 15 silos à grains et deux puits, rien que pour ces derniers mois de recherches. D’autres traces plus anciennes, notamment celles d’un métier à tisser et de pointes de flèches, sont découvertes du côté de la rue Pollissard. L’existence de la mare repérée au nord-est du terrain reste à dater. C’est ce puzzle temporel fait de sépultures, d’habitat, d’artisanat que les archéologues vont devoir reconstituer.
L’étude des vestiges archéologiques mobilise plusieurs spécialistes, mettant en commun leurs connaissances sur les sédiments, la céramique, les monnaies, les pollens… et les restes humains. Cyrille Le Forestier est précisément archéo-anthropologue.
Réunis autour d’une reconstitution de fouille, nous avons bénéficié d’une explication détaillée des déductions que l’on peut faire en observant un squelette. Certains d’entre nous avaient l’air décontenancés devant ces os humains exposés et manipulés avec naturel, mais l’intérêt du discours mobilisa vite toute notre attention. La position du corps, sarcophage ou linceul, la présence ou non de mobilier (petits objets) à ses côtés, informent sur le mode d’inhumation et sont des éléments qui permettent de connaître les pratiques funéraires liées à une époque. Les premières observations indiquent s’il s’agit d’une femme ou d’un homme, selon l’ouverture du bassin ; on évalue l’âge de l’individu grâce aux soudures des os entre eux. Jusque vers 19/20 ans, ils ne sont pas tous soudés, cequi permet de reconnaitre un immature même s’il est de taille identique à un adulte. Le jeune adulte est repérable à l’os iliaque soudé vers 24/25 ans puis la clavicule, soudée vers 26/28 ans. Détails qui rapprochent tout à fait l’archéologie de la médecine légale. L’état des dents, striées par exemple, renseigne sur l’alimentation et surtout les carences. Par la suite, l’examen sera approfondi avec l’aide de la technologie actuelle, imagerie médicale, carbone 14 ou recherche d’ADN, technique utilisée depuis à peine plus de 5 ans en archéologie. Toutes ces informations confrontées aux constatations des divers spécialistes et aux données historiques, permettent de donner à nos contemporains une image de plus en plus précise des individus, de les situer dans le temps et d’approcher autant que faire se peut leurs pratiques cultuelles et culturelles. L’histoire de ces anciens bondynois confirme aussi l’histoire jusqu’au-delà nos actuelles frontières : les squelettes dégagés sous le trottoir nord de l’église ont montré un décès dû à Yersinia pestis, la peste noire, dont on sait qu’elle arriva et ravagea la région parisienne en 1348 ; cette découverte semble exceptionnelle dans notre région.
Patience…
Maitre mot pour la suite des événements : la poursuite de la visite nous fit circuler sur un chemin de planches pour accéder à l’autre bout du chantier. L’archéologue a fait son maximum pour nous faire bénéficier à tour de rôle de ses propos, ce qui n‘était pas facile pour lui, ni pour ceux qui étaient loin car nous étions plus nombreux que prévu lors des inscriptions à la visite. Nous avons pu converser avec d’autres archéologues ou bénévoles dégageant d’autres squelettes ainsi qu’un sarcophage entier avec son couvercle qui ne serait ouvert que les jours suivants. La curiosité animait tout le monde quant à son contenu et nous en saurons plus ultérieurement, bien qu’il semble à priori ressembler aux autres.
Il faudra encore être patient pour connaître le résultat de l’étude menée depuis les fouilles de 2005 jusqu’à celles de cette année dont on sait qu’elles doivent forcément être liées. Espérons que les bondynois d’aujourd’hui en seront parmi les premiers renseignés car comme l’ont montré le week-end « portes ouvertes » et notre association, l’intérêt pour notre histoire est bien présent. Nous pouvons remercier chaleureusement Cyrille Le Forestier ainsi que les chercheurs présents qui ont répondu bénévolement à nos attentes. Plus que des articles de journaux, il serait intéressant d’entendre à nouveau en direct les explications d’un spécialiste au discours scientifique accessible aux néophytes et … si vivant !
Voir pour info le blog http://bondyarcheo.over-blog.com/et une petite vidéo sur le site de la ville de Bondy.
Françoise MARY